« Et si la liberté consistait à posséder le
temps ? Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d'espace et de
silence - toutes choses dont manqueront les générations futures ? Tant
qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu.»
Sylvain Tesson
J’ai toujours aimé les cabanes. Aussi loin que ma mémoire
remonte, j’ai toujours eu des cabanes, de préférence perchées en haut des
arbres. Petite fille, à chaque déménagement de mes parents dans un nouveau
pays, mon premier réflexe était de chercher un arbre idéal pour y construire ou
y rêver une cabane. Les premières
semaines dans un nouveau pays, une nouvelle école, étaient souvent un peu
stressantes pour l’enfant que j’étais. Les arbres et leurs cabanes étaient,
avec la présence constante de l’océan, à la fois un ancrage solide et la
perspective de pouvoir m’évader dans un monde imaginaire quand je le
souhaitais.
Mes premières lectures de Jack London m’ont fait fantasmer
sur les cabanes au fond des bois, dans des contrées nordiques sauvages à mille
lieux des tropiques où je vivais. Mon premier voyage en solo aura été vers les
forêts profondes de la Colombie-Britannique, où j’ai trouvé, là encore, une
cabane en bois, pour écouter les orques, mesure la profondeur du silence et
oublier qu’ailleurs le temps ne cesse de faire courir mes contemporains.
Depuis, ma tente et mon sac à dos ont fait office de cabane de substitution
pour autant de virées qui étaient comme des bouffées d’oxygène.
Depuis quelques temps, j’observe mes enfants qui grimpent
aux arbres dans notre jardin et je me prends à rêver d’une cabane pour eux.
Chaque enfant a besoin d’un espace pour s’isoler et rêver.
Pourrait-on simplement prendre une année sabbatique ou deux
pour aller vivre dans une cabane au fond des bois? Je me rappelle que mes
parents ont le plus voyagé lorsque j’étais très jeune. Au fur et à mesure des
années et des contraintes scolaires, les grands déménagements se sont espacés
et les départs avec juste deux valises pour quatre personnes ont disparus, à
mon grand dam ! Du coup, je me dis que ce serait le temps d’aller se perdre un
peu loin du monde avec nos petits passagers.
En relisant Sylvain Tesson et quelques autres fous-furieux
qui ont le goût des cabanes perdues dans les bois, je me prends à rêver d’une escapade
loin de l’agitation des villes, juste avec le bruit de la forêt et de la hache
qui fend le bois pour le poêle. Quand je regarde mes petits qui grandissent
avec leur vie de citadins, leur aisance dans les transports en commun, leur
facilité à se laisser absorber par l’électronique omniprésente, je me demande s’ils
ne sont pas en manque de nature et d’opportunités de rêver… On a beau passer du
temps dans la forêt à marcher, ou dans le jardin à compter les abeilles et
manger des pissenlits, il y a comme une petite angoisse au fond de moi. L’angoisse
de ne pas leur donner l’accès à la nature dont j’ai tant profité gamine. Les
heures passées à rêvasser, perdue dans la canopée, ou à pêcher des petits
poissons dans des trous rocailleux au bord de l’eau. Les heures à bouquiner
tranquille, oubliant l’heure du repas et les appels de ma mère. J’en souris
encore !
La cabane au fond des bois, c’est la quintessence d’un rêve
de gamin, le précurseur des châteaux dans le ciel à venir. Un endroit où le
temps peut suspendre son vol et permettre la créativité la plus folle.
Mon petit passager numéro 1, déjà à l’école, se butte aux
attentes des maîtresses qui ne lui laissent pas vraiment le loisir de rêvasser
dans un coin. Il se plie difficilement aux activités chronométrées et aux
diktats d’un modèle de développement un peu trop standardisé. Il aime bouquiner
ses livres et s’évader dans son monde imaginaire. Avec une famille qui n’a
jamais aimé « rentrer dans les cases », le contraire aurait été
étonnant… Mais à 4 ans, les attentes sont là et franchement elles me gonflent!
Certains psys et éducateurs plaident aujourd’hui pour un
contact plus fréquent avec la nature, pointant du doigt un syndrome de déficit
en nature chez les enfants. Raison de plus pour aller se trouver une petite
cabane et oublier les maîtresses grincheuses et les empêcheurs-de-rêver-en-rond
! Parce que comme le dit si bien Sylvain Tesson, "L'ultime liberté c'est de finir en cabane." Sur ce, je vous laisse à vos cabanes !
La photo de cabane vient du blog Catherine et les Fées, très sympa pour ceux qui s'intéressent au "unschooling" ou l'art d'éduquer ses enfants sans l'école.
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Très beau texte !
RépondreSupprimerJ'ai cette même envie de reprendre les routes, d’arrêter le temps fou qui nous pousse toujours de trop !
De solitude dans l'immensité de la nature, sans toute la technologie qui nous accompagne .. qui devient si présente dans nos vies, voir trop présente et pourtant je l'aime cette technologie. Mais elle me fait peur quand je vois à quelle vitesse elle s'intègre dans la vie des plus jeune ... ne leur laissant plus de temps pour regarder par la fenêtre et rêver !
Des bises à tes passagers