Dessin de Martin Vidbeg, l'Actu en Patates
Ce matin, notre ville côtière est noyée dans le brouillard.
Épais, cotonneux, il dilue les formes et force à la mélancolie. Nous nous
sommes réveillés dans un brouillard de nouvelles stupéfiantes et terrifiantes. Douze
personnes sont mortes au siège de Charlie Hebdo. Parmi les noms de ceux qui ont
perdu la vie dans une attaque violente et indicible, Wolinski, Cabu, Charb,
Tignous… D’autres, comme le naturaliste Fabrice Nicolino sont blessés. Mon seul
petit réconfort ce matin c’est de voir que la place a été donnée aux hommages
et non au portrait-robot des connards qui assassinent la liberté de la presse.
J’ai grandi dans un monde où internet n’était pas encore au
bout de nos doigts. Les journaux étaient attendus, lus et partagés. Venant d’une famille qui en lisait beaucoup,
j’ai découvert assez tôt les dessins de presse et les caricatures politiques.
Charlie, mon oncle se faisait un plaisir de le lire et de le laisser trainer
devant ma très conservatrice grand-mère, avec le Canard évidemment! A mon
entrée à l’université, à l’âge des grands idéaux, des engagements politiques et
des manifs, Charlie est demeuré. J’ai aussi rencontré quelques dessinateurs de
presse, dont certains sont devenus des amis. Beaucoup continuent aujourd’hui à
militer pour la liberté de la presse à coups de traits de crayon humoristiques.
Ils sont un miroir impitoyable mais souvent tendre de notre
humanité. Ils nous renvoient sans concessions à nos failles, nos petitesses et
nos bêtises. Ils ont l’art de nous dessiner empreints de nos défauts. Ils nous
prennent à rebrousse-poil et sont les seuls à ne pas nous prendre au sérieux! C’est
bien là le problème. Les caricaturistes sont souvent pris à parti pour avoir
pointé du doigt l’évidence. Que ce soit un Philippe Val qui se fait casser la
figure par des militants anti-IVG ou cette récente attaque sur les trublions de
l’actualité, les dessinateurs et caricaturistes dérangent, sont emprisonnés,
torturés ou tués partout dans le monde. Parce qu’ils nous renvoient à cette
faillible humanité, à nos contradictions et nos oxymores. Les moralisateurs et
ceux qui se veulent bien-pensants ne supportent pas de se retrouver ainsi
confrontés à eux-mêmes, sans fard et sans compromis.
Cette dernière décennie a été envahie, gangrénée par les moralisateurs,
les conservateurs, les bien-pensants, les extrémistes fanatiques de tous bords
et de toutes religions. Ils sont obscènes de connerie, bien plus obscènes que
les nanas et les mecs à poil et au poil
de Wolinski ou de ses potes. Il faut riposter, il faut soutenir ceux qui
défendent notre liberté de penser, d’écrire et d’être. Il faut continuer à résister
à cette façon de penser qui rabaisse notre humanité, rend complètement crétin
et continuer à pointer du doigt l’absurdité de tous ces fanatiques, barbus ou
non. Aujourd’hui et demain encore plus, soyons tous Charlie, renonçons au
confort de l’apathie. Renvoyons ces connards à leurs pénates. Je m’en vais de
ce pas lire quelques dessins politiquement incorrects, indécents et drôles, rire
à la barbe des barbus et me souvenir de ceux qui ont perdu la vie parce qu’ils
avaient suffisamment d’humour pour ne pas nous prendre au sérieux…
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