mercredi 28 novembre 2007
Humeur du soir : nomadisme et insurrection
Mon compas indique le Nord. J’ai la bougeotte et l’envie de manger des kilomètres. Je regarde les infos et je lis les nouvelles. Suis un peu atterrée. Nos dirigeants me semblent bien plus préoccupés de nous surveiller que de prendre les mesures nécessaires pour affronter les défis du changement climatique. Je doute que les élites qui se réuniront dans quelques jours sur la petite île paradisiaque de Bali ne parviennent enfin à un consensus…De quoi vous donner des envies d’aller vous faire voir chez les Lappons… Je relis beaucoup Farley Mowat en ce moment, cet écrivain-naturaliste canadien qui passé tant de temps à voyager dans les pays d’en haut pour en ramener des histoires saisissantes et poignantes. Mon compas me dit donc de mettre cap au nord, pour y attendre la fonte du passage du nord-ouest, écouter le chant des bélougas et voir les derniers ours polaires avant de suivre les migrations des caribous. Des envies folles d’aller nomadiser sans but…
Je croise beaucoup de nomades en ce moment. (c’est le problème des ports, ça attire toujours les aventuriers !) Toute une population de gentils dissidents.
Les politiques n’aiment pas les nomades, c’est bien connu. Sous le régime soviétique les nomades des steppes ont été sédentarisés de force, abrutis à la vodka, cloués au sol, eux les voyageurs du vent, dont le dieu est une vaste voûte céleste. Les nord-américains ne sont pas forcément meilleurs. On déplace ici les populations et on les sédentarise sans états d’âmes pour les besoin de l’exploitation gazière ou pour construire un nouveau barrage hydro-électrique.
Qu’ils sont tristes ceux que j’ai croisé au hasard de mes pérégrinations, abrutis d’alcool et de coca. Victimes résignées d’un racisme sournois et politiquement correct, attendant leur chèque d’allocation pour noyer leur mélancolie dans les bars décrépis avant, parfois, de prendre l’ultime liberté de quitter un monde qui ne sait que faire d’eux.
Le monde s’est rétréci et, avec lui, les possibilités de se faire oublier un peu de la fureur de la civilisation. Reste encore quelques illuminés pour prendre la tangente. Un peu comme certains des personnages d’Into The Wild, ils ont brulé leurs papiers, perdu leurs cartes et n’emporté qu’un peu de poésie dans leur maigre bagage. On voyage mieux léger c’est bien connu...
Les coureurs-des-bois ont d’ailleurs toujours été tenus pour des bons-à-rien, coupables de complicité avec les étendues sauvages, encore plus coupables de métissage avec les peuples des pays d’en haut. C’est qu’ils sont revêches les vieux du pays des neiges, pas de carte de sécurité sociale, pas d’impôts, pas de passeport et l’audace de vouloir aller où bon leur semble. On ne peut contrôler de tels individus, ni les pister, ni leur faire payer le prix de leur insolence. L’état ne les aime donc pas et fait tout son possible pour les remettre au pas. Se laisseront-ils faire ou pousseront-ils leurs routes au-delà de la portée des fonctionnaires zélés des administrations ? J’espère qu’ils seront encore nombreux, ces itinérants géniaux qui refusent d’être étiquetés et classés comme des spécimens de muséum. Nombreux à laisser couver leur petite insurrection personnelle contre l’absurdité du monde, nombreux à chanter la liberté et la beauté de l’inutile. Les vagabonds sont souvent poètes, comme les Kerouac ou London qui nomadisaient en prose.
J’ai un faible pour ces aventuriers au bagage léger mais au cœur souvent grand comme ça… Ils sont de partout et de nulle part. Ils ont choisi de partir à la rencontre de l’humanité pour ne pas oublier la leur. Ils sont joyeux et font des pieds de nez aux grotesques gesticulations des bureaucraties. Ils sont une bouffée d’oxygène dans cette aliénation hypnotique.
A propos de représsion des libertés, je viens de lire que le blog de la philosophe québécoise Anne Archet est censurée par le gouvernement chinois (sans doute que ses propos poético-érotico-anarchiques n’entrent pas dans la ligne du parti…). Du coup je vous livre un petit extrait de son texte si bien écrit sur le nomadisme et qui résonne avec mon humeur de ce soir :
Allons, bonne gens, un peu de créativité et d’humour, nous n’allons pas nous laisser abattre ! Un peu d’insurrection ne leur ferait pas de mal à toutes ces éminences grises, amères et tristounes …
Je croise beaucoup de nomades en ce moment. (c’est le problème des ports, ça attire toujours les aventuriers !) Toute une population de gentils dissidents.
Les politiques n’aiment pas les nomades, c’est bien connu. Sous le régime soviétique les nomades des steppes ont été sédentarisés de force, abrutis à la vodka, cloués au sol, eux les voyageurs du vent, dont le dieu est une vaste voûte céleste. Les nord-américains ne sont pas forcément meilleurs. On déplace ici les populations et on les sédentarise sans états d’âmes pour les besoin de l’exploitation gazière ou pour construire un nouveau barrage hydro-électrique.
Qu’ils sont tristes ceux que j’ai croisé au hasard de mes pérégrinations, abrutis d’alcool et de coca. Victimes résignées d’un racisme sournois et politiquement correct, attendant leur chèque d’allocation pour noyer leur mélancolie dans les bars décrépis avant, parfois, de prendre l’ultime liberté de quitter un monde qui ne sait que faire d’eux.
Le monde s’est rétréci et, avec lui, les possibilités de se faire oublier un peu de la fureur de la civilisation. Reste encore quelques illuminés pour prendre la tangente. Un peu comme certains des personnages d’Into The Wild, ils ont brulé leurs papiers, perdu leurs cartes et n’emporté qu’un peu de poésie dans leur maigre bagage. On voyage mieux léger c’est bien connu...
Les coureurs-des-bois ont d’ailleurs toujours été tenus pour des bons-à-rien, coupables de complicité avec les étendues sauvages, encore plus coupables de métissage avec les peuples des pays d’en haut. C’est qu’ils sont revêches les vieux du pays des neiges, pas de carte de sécurité sociale, pas d’impôts, pas de passeport et l’audace de vouloir aller où bon leur semble. On ne peut contrôler de tels individus, ni les pister, ni leur faire payer le prix de leur insolence. L’état ne les aime donc pas et fait tout son possible pour les remettre au pas. Se laisseront-ils faire ou pousseront-ils leurs routes au-delà de la portée des fonctionnaires zélés des administrations ? J’espère qu’ils seront encore nombreux, ces itinérants géniaux qui refusent d’être étiquetés et classés comme des spécimens de muséum. Nombreux à laisser couver leur petite insurrection personnelle contre l’absurdité du monde, nombreux à chanter la liberté et la beauté de l’inutile. Les vagabonds sont souvent poètes, comme les Kerouac ou London qui nomadisaient en prose.
J’ai un faible pour ces aventuriers au bagage léger mais au cœur souvent grand comme ça… Ils sont de partout et de nulle part. Ils ont choisi de partir à la rencontre de l’humanité pour ne pas oublier la leur. Ils sont joyeux et font des pieds de nez aux grotesques gesticulations des bureaucraties. Ils sont une bouffée d’oxygène dans cette aliénation hypnotique.
A propos de représsion des libertés, je viens de lire que le blog de la philosophe québécoise Anne Archet est censurée par le gouvernement chinois (sans doute que ses propos poético-érotico-anarchiques n’entrent pas dans la ligne du parti…). Du coup je vous livre un petit extrait de son texte si bien écrit sur le nomadisme et qui résonne avec mon humeur de ce soir :
Le nomadisme — du moins dans l’attitude — est essentiel à l’autonomie. Lenomadisme est le refus de la permanence. Nomadisme et insurrection sont inextricablement liés.Lorsque tout le temps et l’espace sont formellement dominés par l’ordre hiérarchique et ses dispositifs de pouvoir, l’autonomie dépend de l’invisibilité. Le secret de l’invisibilité est le mouvement ininterrompu, continuel. Il faut trouver les failles de l’ordre établi, celles qui sont à l’abri du regard de l’État et du capital. Il faut défier le spectacle avec sa propre créativité autonome, et disparaître avant que les dispositifs de pouvoir puissent éliminer ce défi. Ce nomadisme n’exige pas nécessairement le déplacement des corps dans l’espace, mais il exige d’être insaisissable, fluctuant, de toujours échapper aux rôles sociaux, de toujours éviter d’être nommé, identifié, classé. Le nomadisme véritable accroît toutefois les chances de réussite ; plus grande est la superficie parcourue, plus grandes sont les possibilités de rupture radicale, les probabilités de découverte de nouvelles failles, les possibilités ludiques de libération des désirs. Dans le contexte d’un tel nomadisme, les zones sédentaires, soumises de façon permanente à la domination du spectacle, peuvent être subverties par les insurgés nomades, libérées de façon temporaire, utilisées de façon défiante comme un coin enfoncé dans les lézardes d’un mur qui s’effrite. »
(Le texte complet est ici)
Allons, bonne gens, un peu de créativité et d’humour, nous n’allons pas nous laisser abattre ! Un peu d’insurrection ne leur ferait pas de mal à toutes ces éminences grises, amères et tristounes …
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3 commentaires:
Vraiment d'accord avec toi. Cela fait très plaisir d'entendre ces idées, pas si courantes sur le net ou dans nos vies! Agissons avec responsabité et courage autant que possible... En route, et que je n'oublie pas moi aussi de bien mettre le cap sur mes rêves.
Pas mieux ! Si la Terre n'est plus assez grande, il faudra peut-être chercher la sagesse encore plus loin. ;)
Ouais mais bon, si le nomadisme d'Into The Wild et Kerouac et autres s'inscrit principalement dans une demarche de rebellion vis a vis de la societe, ils seront bien emmerdes, ces nomades, si la societe les accepte et les prend en compte! Ca tuerait le mouvement! Donc au contraire, il faut les oppresser :)